Université du Havre : j'y suis entrée avec un Bac STT et sortie avec un Master mention bien |
Par Julie Amadis
#IPEAVAEAFAF
Le 18/07/2017
Depuis 1 mois on entend à la radio régulièrement que c’est la catastrophe parce que 87000 lycéens n’auraient pas d’affectation à l’université.
Ils insistent surtout sur un point, des bacheliers avec mention et notamment mention très bien n’ont pas d’affectation !
Mais pourquoi ce problème de soit disant manque de place à l'université et d'impossibilité d'accepter tous les bacheliers qui souhaitent s'inscrire à l'université ?
Il n’y a jamais eu de problème jusqu'à maintenant. On s’inscrivait dans la filière que l’on voulait en juin ou en septembre et dans l’université souhaitée.
En 1999 je m’étais inscrite à la fac de psychologie de Rouen alors que j’habitais Compiègne et que l’université de ma zone géographique était « Amiens » sans aucun problème. Et j’avais obtenu un bac technologique, pas un bac général.
En 2001, je me suis inscrite à l’Université du Havre en première année d’Histoire Sociologie au mois d’octobre (à la toute dernière minute juste avant la rentrée et ça n’a posé aucun problème!)
Pourquoi alors en 2017, 87000 jeunes n'ont pas d'affectation dans la filière qu'ils ont choisi à l'université ?
Vous aviez compris ? La ministre veut la sélection à l’université. Mais le mot sélection risque d’énerver de déclencher un mouvement étudiant à la rentrée alors elle appelle ça prérequis.
La présidente de la FCPE Liliana Moyano hier à la radio a dit :
« ça le pré requis c’est la sélection qui ne dit pas son nom »
Jusqu'à présent, l’idée était que le bac, n’importe lequel général, technologique ou professionnel permettait de s’inscrire dans n’importe quelle université dans n’importe quelle filière.
C’est cette politique d’ouverture, cette politique qui considère que « apprendre est un droit » et que l’État doit pouvoir permettre à chacun de découvrir ce qu’il souhaite quand il le souhaite qui m’a permis à moi, une ex élève en échec scolaire qui n’avait pas lu plus de 10 livres à l’âge de 20 ans, de découvrir l’histoire, de comprendre la révolution russe, l’esclavage dans l’antiquité, la révolte de Spartacus, le commerce triangulaire …
On peut être en échec au lycée et réussir très bien à l’Université parce qu' on se passionne pour un domaine non enseigné au lycée ou mal enseigné (ce qui arrive souvent) ou tout simplement parce que l’on a changé …
Ça a été mon cas. J’ai eu en trois années une double licence histoire et sociologie, sans redoubler en améliorant mes résultats d’année en année, en progressant chaque fois.
Et après avoir travaillé pendant quelques années, je me suis inscrite en 2009 en Master enseignement. J’ai obtenu ce master avec Mention Bien.
Je ne suis pas un cas à part.
On entend depuis un mois des spécialistes, des profs d’université répéter qu'il faut sélectionner à l'université, et que certaines filières ne sont pas préparées et qu'il faudrait donc mieux les exclure ces bacheliers des filières technologiques et professionnelles dès le départ.
On a même Gilles Roussel, Président de la Conférence des présidents de l'université, qui est invité par France Info pour faire l'apologie de la sélection à l'entrée à l'Université.
"Ce qu'on préconise, c'est de regarder le dossier de chaque étudiant. Un étudiant qui veut faire des mathématiques, par exemple, nous l'acceptons s'il a le bac S. C'est ce qu'on appelle un prérequis. En fonction des places restantes, on porte ensuite un regard plus précis sur les dossiers, pour voir si on accepte ou non les étudiants." Gilles Roussel interviewé par France Info
J’ai en effet le souvenir qu’en première année à l’université, la proportion d’élèves issus de milieux populaires fils d’ouvrier ou de chômeurs, était beaucoup plus importante que la seconde année.
Mais Pourquoi cela ?
Parce que tout est mis en œuvre pour les évincer de l’université dès les premiers partiels.
Je me souviens très bien de mes premières notes en histoire, des résultats catastrophiques, des 4/20, 8/20… Des notes pour démoraliser…
Je me rappelle très bien avoir été voir un prof d’histoire contemporaine et de lui avoir demandé des conseils et de l'aide pour améliorer la note qu’il venait de me mettre, un 4/20.
Il m’a demandé quel bac j’avais eu. Et là c’était foutu pour moi. Il m’a répondu :
« la fac n’était pas faite pour les bac STT »
Il fallait donc s’accrocher, ne surtout pas dire qu’on avait un bac technologique pour de pas multiplier les opérations de démoralisation et bosser.
Mais ce n’était pas impossible de réussir. L’attaque la plus importante était psychologique.
Et la plupart des titulaires d’un bac technologique sont touchés par ces attaques et abandonnent. Ils ne font pas l’année entière, ils quittent l’université ...
Si on réussit à passer ce cap des six premiers mois, après c’est plus facile. On progresse souvent bien plus vite que ceux qui ont toujours été « bon élève » et vivent sur des acquis. On s’investit, on découvre. La découverte est exaltante, presque jouissive.
C’est grâce à mes années à l’université que j’ai appris à rechercher efficacement des informations, à organiser des idées et les structurer pour écrire un texte compréhensible pour les autres…
Tout cela me sert tous les jours pour écrire des articles qui sont au service des sans voix, de ceux que l’on a empêchés d’apprendre à écrire.
La sélection à l’université, c’est le rêve de la bourgeoisie et de la Haute Formoisie. Permettre à leurs enfants d’être entre eux sans être parasité par les enfants des pauvres.
C'est déjà ce qui est organisé depuis la maternelle. L'école est faite pour favoriser les enfants de la Haute Formoisie. C'est pour cette raison qu'ils sont trois fois plus nombreux que les enfants d'ouvriers à l'université.
"À l’université, pour l’ensemble des filières, les enfants de cadres sont trois fois plus présents que les enfants d’ouvriers. Plus on s’élève dans les années, moins les jeunes de milieux populaires sont présents. Dans les classes prépas et les écoles d’ingénieurs, l’écart devient considérable : les enfants de cadres sont huit fois plus nombreux que ceux d’ouvriers(lire notre article sur les classes prépas). À eux seuls, les enfants de cadres occupent la moitié des places dans ces filières. Dans les écoles normales supérieures, ils sont vingt fois plus représentés que ceux d’ouvriers. De fait, on n’y trouve quasiment pas d’enfants de milieux populaires (2,7 % d’enfants d’ouvriers et 6,7 % d’employés)." Observatoire des InégalitésBien entendu, pour ces classes sociales privilégiés, ça n'est pas encore suffisant. Il faut encore sélectionner sur leurs critères et faire baisser le nombre d'enfants de pauvres à la fac.
Parce que les enfants d'ouvriers, d'employés ou de chômeurs sont très très minoritaires dans les filières générales.
"41 % des enfants de cadres supérieurs obtiennent un bac S, contre moins de 5 % des enfants d’ouvriers non qualifiés. Entre les bacheliers du milieu des années 1990 et ceux du début des années 2000, l’accès au bac a peu évolué. La situation s’est dégradée pour les milieux les plus populaires, les employés de service et les ouvriers non qualifiés. Chez ces derniers, la part de bacheliers de la filière S est passée de 6,4 à 4,6 %." (Observatoire des Inégalités)
Sans compter que d'exclure les élèves issus des filières technologiques et professionnelles de la fac, ça fait des économies… Il en faut bien pour faire des cadeaux fiscaux aux plus riches...
Pour faire accepter la pilule de l'exclusion des classes populaires de l'Université, l’État crée un système ayant pour conséquence que 87000 lycéens n’aient pas d’affectation pour la rentrée universitaire.
Et on fait mousser la dessus "des bacheliers avec mention très bien n’ont pas d’affectation..."
Et donc nous explique t-on il faudrait mettre en place la sélection à l’université.
Ça c'est ce que défendent Macron, Edouard Philippe, Frédérique Vidal et les médias à leurs bottes...
Le gouvernement Philippe se fout des étudiants qui ont eu leur bac au rattrapage et pire encore ceux qui n’ont pas de bac général bac technologique ou professionnel…
Eux ne comptent pas pour la bourgeoisie, ce sont majoritairement des enfants de pauvres…
Alors ils peuvent rejoindre le nombre de chômeurs qui va en s’accroissant, ils peuvent rejoindre le nombre de jeunes SDF chaque année plus important…
Pas de bourse pour eux puisqu’ils ne seront pas inscrits en études supérieurs et pas de revenu minimum puisque ça n’existe pas pour les moins de 26 ans.
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