Photo du film "les Misérables" réalisé par Tom Hooper d'après le roman de Victor Hugo |
Par Julie Amadis
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Le 17/03/15
"45% des bagnards étaient juste des SDF"
(infra)
"45% des bagnards étaient juste des SDF"
(infra)
Comme Jean Valjean, le héros des Misérables de Victor Hugo qui se retrouve au bagne pendant 19 ans pour un pain volé, nombreux sont ces gens misérables qui peuplent les bagnes au 18° et 19° siècle.
Ce sont ceux qu'on appelle, à l'époque, les vagabonds qui sont le plus grand nombre parmi les bagnards relégués (La relégation c'est l'interdiction à vie de revenir en France).
"Le relégué type et un homme de 32 ans, journalier agricole, ouvrier ou vagabond sans profession définie. Et sans domicile fixe : c'est la principale caractéristique des relégués (près de 45 % d'entre eux). La relégation est donc bien avant tout une loi de contrôle social. Elle frappe des errants sans ressources, ouvriers et journaliers agricoles sans emploi, touchés de plein fouet par la grande dépression économique qui sévit en France dans les années 1880, au moment où la loi est discutée et votée au Parlement. » p 31 revue l'Histoire Jean-Louis Sanchez"
" ÊTRE SANS DOMICILE FIXE" ÉTAIT UN DÉLIT AU 19° SIÈCLE
A l'époque, c'est un délit de ne pas avoir d'endroit où dormir.
"En France, selon le Code pénal de 1810 (art. 269 à 273), le vagabondage était un délit réprimé de trois à six mois d'emprisonnement. L'art. 270 donnait la définition juridique suivante : « Les vagabonds ou gens sans aveu sont ceux qui n'ont ni domicile certain, ni moyens de subsistance, et qui n'exercent habituellement ni métier, ni profession. » Ces trois conditions devaient être réunies pour qualifier le délit de vagabondage, excluant dès lors les nomades, qui ont fait l'objet d'une loi spécifique en 1912 (voir carte d'identité en France). ». (wikipédia)
Mais, plutôt que la prison en métropole, c'est au bagne que la bourgeoisie condamne ses victimes. Deux ans après la Révolution du 14 juillet 1789, les députés décident d'y déporter "les mendiants".
« Dès 1791, elle inscrit la déportation des récidivistes de droit commun et des mendiants incorrigibles dans le premier Code pénal. »
POUR SE DÉBARRASSER DES VAGABONDS
LA BOURGEOISIE LES ENVOIE AU BAGNE
Les pouvoirs publics voulaient se débarrasser de ces "vagabonds".
Ne plus voir la misère permet de donner l'illusion à la société qu'elle va bien, qu'elle n'est pas malade.
Et donc, pour s'assurer de ne pas apercevoir un seul SDF, on les envoyait dans une île bien lointaine, à plusieurs milliers de kilomètres du continent.
« Près de 18000 voleurs, vagabonds et mendiants viennent ainsi grossir en Guyane les rangs de ceux que l'on entendait régénérer par l'expérience coloniale. » p 28 Dominique Kalifa
45 % DES BAGNARDS ÉTAIENT JUSTE DES SDF
C'est ainsi qu'à la fin du 19° siècle, 45 % des bagnards relégués sont des sans domicile fixe."Et sans domicile fixe : c'est la principale caractéristique des relégués (près de 45 % d'entre eux)" p 31 revue l'Histoire Jean-Louis Sanchez"Les relégués étaient ceux qui étaient le plus sévèrement punis puisqu'ils leur étaient interdit de revenir en France une fois leur peine purgée.
"De tous les parias qui se retrouvèrent un jour dans les bagnes de Guyane, les plus infortunés furent sans conteste les «relégués». Contrairement aux «transportés» (les condamnés aux travaux forcés) ou aux «déportés» (les détenus politiques, à l’instar d’Alfred Dreyfus), les «relégués» avaient en effet déjà payé leur dette à la société. La relégation était une «peine accessoire» qui frappait les délinquants multirécidivistes à leur sortie de prison, une double peine donc, qui expédiait en Guyane pour le restant de leurs jours ceux que l’on disait irrécupérables."
DYSENTERIE, FIÈVRE JAUNE, PALUDISME, TUBERCULOSE
DES SDF CONDAMNES A MOURIR DE MALADIE
Et, la vie au bagne était
très difficile.
« Les bagnards éprouvent l'isolement, mais surtout la promiscuité et les rapports de force qui régissent chambrées et dortoirs. S'y ajoute le travail forcé. (…) Mais, dans tous les cas, les bagnards subissent le changement de climat, l'insalubrité des lieux, le manque d'hygiène, une alimentation carencée et, pour certains, une répression disciplinaire répétitive ou excessive. Ce qui entraîne nombre de maladies, la fièvre jaune, le paludisme, la tuberculose et la dysenterie. » p 56 l'Histoire Marc Renneville et Jean-Lucien Sanchez, le corps des bagnards
C'était un véritable mouroir.
« L'incidence de ces maladies sur le taux de mortalité général des forçats est élevée : de 1888 à 1890 par exemple, 30 % du total des relégués, soit 662 individus en meurent, dont 167 de fièvre jaune, 117 de paludisme, 285 de dysenterie et 13 de tuberculose. » ( Ministère des Colonies, Rapport sur la marche générale de la relégation pendant les années 1888, 1889 et 1890) (dans l'Histoire Marc Renneville et Jean-Lucien Sanchez, le corps des bagnards)
Dans une société dominée par la bourgeoisie, les indésirables sont toujours les plus pauvres. C'est parce que leur présence montre trop crûment les dysfonctionnements de cette société inégalitaire qu'ils dérangent les bourgeois.
Ces personnes étaient physiquement exclues et personne ou presque ne se souciait de leur sort.
« Les rares interventions à la Chambre, dont celle du député Felix Chautemps lors des débats budgétaires en 1908 ou de Maurice Violette en 1913, par exemple, n'avaient pas atteints le public. Quelques socialistes avaient réclamé une réforme de la justice, une amélioration des conditions de cie dans les bagnes pour les enfants, sans rencontrer d'échos. » p 70 La longue marche de l'abolition, Danielle Donet-vincent, dans l'HistoireLe combat pour l’arrêt des bagnes sera long et minoritaire.
Vers 1930, les films documentaires dénonçant les bagnes vont contribuer peu à peu à modifier l'opinion des gens vis à vis des bagnards.
C'est le journaliste Albert Londres qui va déclencher une tempête médiatique sur ce scandale camouflé :
Wikipédia En 1923, [Albert Londres] se rend en Guyane où il visite le bagne aux Îles du Salut, à Cayenne et à Saint-Laurent-du-Maroni. Décrivant les horreurs de ce qu'il voit, son reportage suscite de vives réactions dans l'opinion mais aussi au sein des autorités.Danielle Donet-vincent, dans l'Histoire relate cela :
« Il faut dire que nous nous trompons en France. Quand quelqu'un – de notre connaissance parfois – est envoyé aux travaux forcés, on dit : il va à Cayenne. Le bagne n'est plus à Cayenne, mais à Saint-Laurent-du-Maroni d'abord et aux îles du Salut ensuite. Je demande, en passant, que l'on débaptise ces îles. Ce n'est pas le salut, là-bas, mais le châtiment. La loi nous permet de couper la tête des assassins, non de nous la payer. Cayenne est bien cependant la capitale du bagne. (...) Enfin, me voici au camp ; là, c'est le bagne. Le bagne n'est pas une machine à châtiment bien définie, réglée, invariable. C'est une usine à malheur qui travaille sans plan ni matrice. On y chercherait vainement le gabarit qui sert à façonner le forçat. Elle les broie, c'est tout, et les morceaux vont où ils peuvent. »(Au bagne (1923)).
Et le récit se poursuit : « On me conduisit dans les locaux. D'abord je fis un pas en arrière. C'est la nouveauté du fait qui me suffoquait. Je n'avais encore jamais vu d'hommes en cage par cinquantaine. [...] Ils se préparaient pour leur nuit. Cela grouillait dans le local. De cinq heures du soir à cinq heures du matin ils sont libres – dans leur cage ».
Albert Londres dénonce aussi un fait que l'on ignore souvent : le « doublage ». « Quand un homme est condamné de cinq à sept ans de travaux forcés, cette peine achevée, il doit rester un même nombre d'années en Guyane. S'il est condamné à plus de sept ans, c'est la résidence perpétuelle. Combien de jurés savent cela ? [...] Le bagne commence à la libération. Tant qu'ils sont en cours de peine, on les nourrit (mal), on les couche (mal), on les habille (mal). Brillant minimum quand on regarde la suite. Leurs cinq ou sept ans achevés, on les met à la porte du camp. ». Nous pouvons imaginer la suite.
Son livre est une galerie de portraits : Hespel, Bel-Ami, Ullmo, Duez, Eugène Dieudonné, Roussenq, Marcheras... les bagnards sont des hommes ! – même si dans ce lieu, ils tendent à devenir des animaux. En 1924, il poursuit ses enquêtes sur les travaux forcés et se rend en Afrique du Nord où des bagnes militaires accueillent les condamnés des conseils de guerre qui n'en finissent pas d'expier leur très grande faute (publication de Dante n'avait rien vu).
« Le reportage de Londres tranche sur cet ensemble. Il est servi par la presse à grande diffusion dans laquelle il paraît. De plus, la plume du journaliste est vive et souvent ironique pour décrire des situations sordides. L'enquête prend des tonalités d'aventures et donne à voir, sur fond et exotisme, des figures de « malfrats » qui retrouvent la part d'humanité dont le bagne les a dépouillés. (…)
Le public est enthousiastes. Le succès est immense. (…) Ce tapage médiatique suscite des vocations qui entretiennent à leur tour l'intérêt du public. Mais après Albert Londres, les autorités n'accordent plus guère d'habilitation pour le voyage en Guyane. » p 71 La longue marche de l'abolition, Danielle Donet-vincent, dans l'Histoire
CES LOIS INIQUES ONT ÉTÉ ABROGÉES
IL Y A 23 ANS, EN 1992
En France, être sans domicile fixe et/ou mendier n'est pas un délit depuis 1992."Ces articles ont été abrogés par une loi de décembre 1992, entrée en vigueur le 1er mars 1994, réformant le Code pénal15. Suite à cette abrogation, de nombreuses municipalités, notamment dans les zones touristiques, ont mis en place des arrêtés anti-mendicité dès l'été 1995"
Cependant, le regard porté sur eux est toujours péjoratif. Les plus grandes victimes du monde capitaliste sont dénigrés.
141500 SDF EN FRANCE DONT 31000 ENFANTS.
Tous les jours, les SDFs passent devant des logements vides. Des logements vides ou de grandes maisons dans lesquelles vivent une ou deux personnes.
Des appartements vides sont là et les SDF ne peuvent pas entrer dedans...
Eux, ils dorment sur les trottoirs à côté de ses logements vides dans le froid, la peur et la faim...
Personne ou presque ne s'offusque de cette situation. Chaque français vit sa petite vie en croisant des SDFs qu'il n'ose à peine regarder...
AU 21° siècle en France, les « vagabonds » sont bien en vue.
On ne les chasse plus dans les bagnes.
Ils sont là sur les trottoirs, dans les gares, sous les ponts en train d'essayer de gagner 2 ou 3 sous pour manger, en train d'essayer de s'endormir dans le froid, la peur et le bruit …
Peut être que certains d'entre eux préféreraient le bagne à la vie dehors pour avoir un toit …
Il y a bien ce jeune de 18 ans à Albi qui a dit au juge :
«Je préfère la prison à la rue» (La dépêche, 08/08/2014)Parce que dans la rue on y meurt vite. Le collectif des morts de la rue a eu connaissance de 480 décès de SDF en 2014... (Ils sont certainement encore plus nombreux à y mourir ...)
Leur espérance de vie est de 49 ans, 33 ans de moins que la moyenne nationale !
Mais notre État barbare laisse délibérément mourir des gens dans la rue.
Les places d'hébergement sont largement insuffisantes.
"La grande majorité des SDF téléphonent chaque jour au 115 et on leur refuse un toit !!!! Même pour une nuit.... A Toulouse, par exemple, 95 % des SDF qui appellent le 115 pour être hébergé une nuit se voient répondre un refus !
"Actuellement, à Toulouse, 250 personnes sont à la rue sans solution chaque jour avec un taux de réponse négative de 95 % au 115. Dans ce département et malgré la crise, l’État a diminué les capacités d’accueil mobilisées cet hiver. Mais la situation est également critique dans d’autres territoires selon la fédération. A Lille, par exemple, plus de 500 personnes restent sans solution malgré leur demande au 115. Mais aussi à Lyon, où 170 personnes en moyenne n’obtiennent pas de solution d’hébergement et enfin à Bordeaux qui enregistre que 100 personnes sont sans solution, soit 62 % de refus chaque jour au 115. La région parisienne n'est pas en reste, le Val-d’Oise, compte plus de 200 personnes sans solution. Cette situation dramatique touche également des territoires moins urbains, jusque-là moins tendus comme l’Oise, la Charente ou encore la Saône-et-Loire." (Le Parisien 5 décembre 2014)" (15 enfants-SDF sont morts en 2013. 31000 enfants dorment dehors en France dans l'indifférence générale.)
Récemment, Jean Luc (la presse ne donne pas son nom de famille), est mort d'hypothermie à Namur.
Pourquoi ? Parce que la bureaucratie de l’État barbare français a décrété qu'il y avait un nombre limite de nuits où elle acceptait d'héberger une personne !
Alors, les services sociaux ont dit à Jean Luc, la veille au soir de son décès, qu'il avait dépassé son quota !
Il faisait trop froid, le corps de Jean Luc n'a pas pu tenir. Il est mort d'hypothermie dans la nuit qui a suivi. ( source de cette information : LaMeuse.be)
Ce n'est qu'un fait divers parmi tant d'autres...
Rappelez-vous chaque jour, 141500 SDF EN FRANCE ! Et demandez - vous ce que vous faîtes pour que cela cesse.
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