vendredi 5 février 2016

Les gros mangent les petits : telle est la loi du capitalisme (agriculteurs, petits patrons, etc tous victimes du même capitalisme esclavagiste que les salariés)









Par Julie Amadis
Le 05/02/16



Quand un agriculteur du Havre en colère tient à 11 h 30 du matin le même discours celui que tenait à 11 h l'ex patron d'une société de sécurité de la même ville, on peut se dire que les mêmes causes produisent les mêmes effets.


Un matin, j'ai donc rencontré deux personnes de suite qui m'ont tenu le même discours et ont utilisé la même expression  :
"Les gros mangent les petits"
La première personne rencontrée (Ali le nom a été changé) a tenu une épicerie pendant de nombreuses années. Il l'a ensuite vendue pour monter une société de sécurité.
Je l'ai rencontré à l’arrêt du tramway.

Je le voyais régulièrement au supermarché pour lequel sa société travaillait. Cela faisait environ 2 ans que je n'avais pas vu Ali.
Après la question "qu'est ce que tu deviens ?", il m'apprend que son entreprise a coulé et qu'il ne reçoit maintenant qu'un RSA pour vivre.
Ali résume tristement pourquoi il a fait faillite par cette expression :
"Les gros mangent les petits"
En utilisant cette expression, il avait presque tout dit. Même dans un secteur porteur dans la France de 2016 - la sécurité - un petit entrepreneur ne peut survivre face aux gros.
Ali ajoute : "j'avais deux employés qui sont au chômage maintenant"

ALI, PETIT ÉPICIER DEVENU ENTREPRENEUR
D'UNE SOCIÉTÉ DE SÉCURITÉ A FAIT FAILLITE :
IL PERÇOIT UN  RSA

 A l'annonce de mon exclusion de l’Éducation Nationale pour avoir dénoncé des violences à enfants, il y a un an et demi, il n'avait pas l'air plus étonné que ça.
Il m'a répondu : "On en est tous là".


Plus rien n'étonnait Ali. Ni une condamnation à 31000 euros pour un article dénonçant la Franceàfric, ni une exclusion de l'Education Nationale pendant 2 ans pour avoir voulu défendre les enfants, ni l’État d'urgence, ni les 58 millions de dollars versés aux terroristes de AQMI (enquête du New York Times).
Ali savait la pourriture du capitalisme, la pourriture de l’État français.
Il avait compris  ce que signifiait le capitalisme sans même forcément avoir lu Marx, Lénine, Sankara ou Guevara. C'est-à-dire la mort sociale et parfois physique des faibles, des pauvres, des mal nés, de ceux qui refusent d'entrer dans les magouilles des petits bourgeois de la ville...
Il avait suffisamment vécu pour avoir compris que, si on veut rester un petit entrepreneur honnête dans le monde capitaliste actuel, on se fait manger par les gros et on finit chômeur.

Ali comme Jack London avait vécu dans leur chair l'injustice, l'écrasement des "petits". Tous deux savaient avant même de lire les grands penseurs du marxisme et du postmarxisme ce que tout cela signifiait.

LES AGRICULTEURS MOBILISES AU HAVRE
SONT AU BORD DE LA FAILLITE


Peu de temps après avoir quitté Ali, je découvrais un rassemblement d'agriculteurs mobilisés. Ils

portaient l'attention du public sur leur situation financière catastrophique. Beaucoup d'entre eux sont en train de faire faillite. Ils n'arrivent plus à vivre de leur production.

Je discute avec trois d'entre eux, des producteurs laitiers. L'un d'eux me résume leur situation par cette même expression :
"Ce sont les gros qui mangent les petits"
Ces trois agriculteurs m'expliquent que :
"Les grandes surfaces préfèrent acheter le lait en Allemagne. Les prix y sont plus bas du fait de la main d’œuvre sous payée provenant de pays de l'est".
Un autre me dit que "beaucoup d'entre eux n'arrivent même pas à se remettre un revenu une fois les charges payées". Les propos de ces trois éleveurs de l'agglomération havraise font écho à ceux de Jean -Philippe Viguié, Président des Jeunes Agriculteurs du Tarn-et-Garonne.
"C'est vraiment le symbole, cette grosse base logistique, du pouvoir qu'ont les centrales d'achats aujourd'hui sur les petits agriculteurs, qui sont complètement atomisés", explique Jean-Philippe Viguié, le président des Jeunes Agriculteurs du Tarn-et-Garonne. "On ne peut pas peser sur les prix par rapport à ces gens-là. On est condamnés à subir leur loi. Il n'y a rien qui est fait, il n'y a rien qui avance sur le structurel, sur les prix. Ce qu'on demande, c'est un peu de régulation et du partage des marges." Le Parisien
 Les éleveurs ne peuvent plus vivre de leur travail. Leurs petites et moyennes exploitations tombent les unes après les autres. En septembre, le ministre de l'Agriculture, comptait 25000 agriculteurs en très grandes difficultés financières (source : Le Figaro 31/01/16).


JACK LONDON DANS LE TALON DE FER DÉCRIVAIT
COMMENT LES GROSSES ENTREPRISES DÉTRUISENT LES PETITES



Jack London dans son roman "Le Talon de Fer" met en scène des personnages de petits et de gros patrons. Son héros, le révolutionnaire Ernest les interroge.
"Voilà environ six mois que vous avez ouvert une succursale ici à Berkeley ?— Oui, répondit M. Owen.
— Et depuis lors j’ai remarqué que trois petits épiciers de quartier avaient fermé boutique. C’est sans doute votre succursale qui en a été cause ?  
— Ils n’avaient aucune chance de lutter contre nous, affirma M. Owen avec un sourire satisfait
.— Pourquoi pas ?
— Nous avions plus de capital. Dans un gros commerce la perte est toujours moindre et l’efficacité plus grande. 
— De sorte que votre magasin absorbait les profits des trois petites boutiques. Je comprends. Mais, dites-moi, que sont devenus les propriétaires de celles-ci ?— Il y en a un qui conduit nos camions de livraison. J’ignore ce que sont devenus les deux autres.
 On voit à travers cette scène que les petites entreprises n'ont aucune chance de s'en sortir face aux grandes. Le personnage M.Owen le dit très clairement :  "Ils n’avaient aucune chance de lutter contre nous, affirma M. Owen avec un sourire satisfait."

Les petits entrepreneurs sont récupérés par les gros patrons, responsables de leur faillite. Ils deviennent salariés de leur succursale.
Ernest se tourna soudain vers M. Kowalt. 
— Vous vendez souvent à prix de revient, parfois même à perte.56 Que sont devenus les propriétaires des petites pharmacies que vous avez mis au pied du mur ? 
— L’un d’eux, M. Haasfurther, est actuellement à la tête de notre service des ordonnances. 
— Et vous avez absorbé les bénéfices qu’ils étaient en train de réaliser. 
— Bien sûr ! c’est pour cela que nous sommés dans les affaires." Le talon de fer chap 8
En 2016, avec un taux de 10,6 % de chômage en France, beaucoup de petits entrepreneurs deviennent non pas salariés mais chômeurs, comme Ali.

LES GROS MANGENT LES PETITS : UNE EXPRESSION DE VOLTAIRE


Cette expression est celle de Voltaire (1694 - 1778) qui dans le Sottisier écrit :
"Les hommes comme les animaux : les gros mangent les petits, et les petits les piquent."
(Source Le Sottisier, p 100)
Cet ouvrage a été publié après la mort de Voltaire. Il s'agit d'un recueil de pensées de Voltaire. Catherine II de Russie a récupéré ces papiers parmi la totalité de la  bibliothèque de Voltaire qu'elle a achetée en 1778.

Au XVIII° aussi, les inégalités étaient importantes. Les nobles appartenant à la strate des Parasites se goinfraient sur le dos des paysans qui trimaient sans avoir de quoi se nourrir correctement.
Le constat de Voltaire est un constat sociologique du contexte de l'époque.

Au 21° siècle, les inégalités sont encore plus fortes qu'elles ne l'étaient à l'époque de Voltaire. Les riches ne pouvaient s'acheter des avions particuliers, des voyages dans l'espace, un sous marin de croisière (source : comment les riches détruisent la planète, Hervé Kempf)

Aujourd'hui, non seulement les riches mettent en esclavage 80% de l'humanité pour satisfaire leur pathologie consumériste mais en plus ils détruisent la planète.
"Selon l'ONG Oxfam, le 1% des plus riches possède plus que le reste de la population mondiale"(Huffington post)

"Moins de 10 % de la population mondiale détient 83 % du patrimoine mondial, alors que 3 % vont à 70 % des habitants" (Observatoire des Inégalités)


CONCLUSION

La misère ne touche plus uniquement les continents "poubelles" des capitalistes occidentaux comme l'Afrique, l'Asie, l'Amérique du Sud. Elle gagne une partie de plus en plus grande des Occidentaux.
Il n'y a plus beaucoup de miettes à distribuer pour la Formoisie occidentale. Des miettes pour qu'elle ferme sa gueule et accepte que les gros riches exploitent les trois quarts de la planète.
Comme le disait Marx  « Abolissez l'exploitation de l'homme par l'homme et vous abolirez l'exploitation d'une nation par une autre nation. » Marx 


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